URSS, 1933.
Sous la férule totalitaire de Staline, le pays connaît des bouleversements brutaux.
Au bord d’un lac de Carélie, Belka, une jeune fille en fauteuil roulant, et son domestique s’installent dans une datcha qui appartenait autrefois à une famille d’aristocrates. À mesure que le passé de ces deux étranges personnages se dévoile, histoire et Histoire s’entremêlent.
Et si une menace terrible pesait sur le pouvoir en place ?
Et si la jeune Union soviétique n’en avait pas fini avec les fantômes de la Russie impériale assassinée quelques années plus tôt ?

HISTOIRE | Snegurochka est un manga seinen nous racontant l'histoire de deux jeunes gens pendant la prise de pouvoir de Staline en URSS. Belka est une jeune femme en fauteuil roulant, celle-ci est accompagnée de Shchenok, son fidèle acolyte taciturne. Tous deux tentent d'intégrer une datcha (maison) près du lac de Carélie (Russie) qui contiendrait un objet très important à leurs yeux pour les surveiller. Malheureusement, les hommes du régime ne sont jamais très loin et surveillent de près les opposants et traitres, Belka et Shchenok vont de ce fait être prisonniers de l'un d'eux dans la fameuse datcha qu'ils visaient. Chacun des deux héros doit faire des sacrifices pour arriver à leur but commun (viol, captivité ou encore travail forcé), c'est dur et parfois horrible, mais ils tiennent bon tous les deux ensemble sans jamais broncher. Belka n'a plus de jambes, Shchenok est donc celui qui lui permet de se déplacer. À contrario, Shchenok est malade et seule la "science" et les connaissances de Belka lui permettent de survivre. Ils forment un duo intéressant et inséparable qui est vraiment plaisant à suivre ! J'ai été d'autant plus conquise par ces deux personnages quand j'ai découvert que leur relation de pouvoir était finalement inversée, les choses sont beaucoup plus compliquées et travaillées que ce que l'auteur nous laisse penser tout le long de notre lecture.

L'histoire se passe en URSS sous le régime totalitaire de Staline, vous vous doutez bien que le manga engage de ce fait un propos politique. Sans être non plus barbante, la ligne conductrice politique nous permet surtout de comprendre le contexte et savoir pourquoi le lieu et les personnages sont si tendus. Chaque personnage prend un risque, aussi bien nos héros que les hommes du régime, tous sont sur les rotules et attendent patiemment le moment où notre duo fera le mauvais pas attendu.

Ce qui m'a étonné avec ce manga, c'est qu'il est plus profond que ce que je pensais. Hiroaki Samura nous présente ici un mythe, celui de la famille Romanov & Raspoutine, qu'il a façonné à sa façon avec une hypothèse qui lui est propre. Tout le manga repose sur cette hypothèse qui n'est dévoilée qu'à la fin : Et si un membre de la famille Romanov était encore en vie ? Je ne vous dévoilerais rien, mais pour une fois, j'ai été agréablement surprise car ce n'est pas le personnage habituel qui est traité ! Samura nous fait en tout cas découvrir une autre vision, tout en nous racontant les faits historiques connus sur le meurtre de cette famille. C'est crédible sur certains points et franchement ça m'a vraiment captivée (je ne m'y connais pas vraiment sur le sujet mais c'était très sympa à découvrir) ! Le final est vraiment grandiose pour le coup, même bien plus que le traitement de l'histoire tout au long de la lecture.

Je note que le manga est quand même assez cru, donc pas à mettre entre toutes les mains : Il montre notamment des scènes de viol sur l'héroïne, de la nudité, de la violence et un propos plutôt compliqué à comprendre pour les plus jeunes. Je conseillerais du coup ce manga aux plus de 12ans minimum.

© 2014 by Hiroaki Samura / Ohta Shuppan

DESSINS | J'ai été assez surprise au premier coup d’œil car j'ai trouvé que le style de Samura se rapproche beaucoup de celui de Kei Toume sur bien des points. D'ailleurs pour tout vous dire je n'avais pas fait le rapprochement avec son autre œuvre Born to be on air qui vient de débuter chez Pika et que j'avais acheté juste avant. Ça m'a surprise car je n'arrivais pas à situer Snegurochka par rapport à l'auteur et ce qu'il avait fait d'autre.

Bref je ferme la parenthèse et je vous avoue avoir aimé le style, il y a des maladresses par-ci par-là, mais globalement c'est très joli. Il y a un gros côté jeté et encré à la façon d'un crayonné (je pense que c'est ce point qui m'a fait pensé à tu Kei Toume), c'est assez joli et nous donne de ce fait un très bel esthétisme qui sert parfaitement le thème historique. Le style est plutôt détaillé et tend à représenter quelque chose de plus réaliste, les expressions sont frappantes et les décors vraiment bien représentés. Le tramage est léger avec quelques touches grisées à certains endroits, en comparaison il y a par contre énormément d'effets visuels grattés à la plume. Visuellement c'est assez sombre, il y a beaucoup de grosses taches ou valeurs en noir qui rendent vraiment le côté oppressant de la situation des héros.

J'ai beaucoup aimé cette découverte graphique, notamment pour le travail de l'auteur sur les personnages ! On ressent vraiment les différentes émotions de ceux-ci grâce à leurs expressions et aussi par leur regards perçants.

ÉDITION | Je lis assez peu de manga Casterman, du coup j'ai redécouvert leur travail avec ce titre et je dois dire que c'est plutôt chouette. Le format est un peu plus grand qu'un manga classique (A5), il possède des pages de bonne qualité avec une jolie impression qui met en valeur l'encrage de l'artiste. Le travail de couverture est assez classique, c'est correct mais j'avoue préférer la mise en page plus sobre de la version japonaise (avec sa typo plus fine). Quelques bonus sont à noter comme : une page recto/verso couleur en début de volume (visible pour l'illustration d'ouverture uniquement), une présentation des personnages en fin de volume (avec le descriptif et l'histoire de ceux-ci / très intéressant à lire après coup) et pour finir une postface très enrichissante de Samura sur la création du projet et son évolution. Le seul bémol serait le prix un peu élevé (~13€) par rapport à une qualité plutôt basique finalement.

Un manga particulier, mais vraiment intéressant qui développe l'Histoire et notamment le mythe de la famille Romanov via l'hypothèse qu'en fait Hiroaki Samura. Un peu long à démarrer et plutôt cru sur sa façon de montrer les choses, ce manga ne plaira sans doute pas à un tout public. Néanmoins il est vraiment bien conçu et sa façon de raconter l'histoire en devient beaucoup plus intéressante une fois le volume terminé et les enjeux enfin dévoilés. Je recommande pour les passionnés d'Histoire, de scénario plus adultes et aussi de mythes retravaillés !