HISTOIRE | Guy Delisle nous fait suivre une petite partie de la vie de Christophe André, un membre d'une ONG humanitaire dans le Caucase. Peu Après son arrivé sur place, pendant sa première mission humanitaire, Christophe se fait kidnapper pour une raison inconnue. Croyant au début que ses ravisseurs tentent de récupérer l'argent de la mission, il reste assez confiant sur son sauvetage, le problème c'est que ceux-ci ne sont pas au courant de cet argent et qu'ils sont là uniquement pour lui. Trimbalé de lieu en lieu, toujours aussi sombres et vides les uns que les autres, Christophe va devoir s'adapter à cette attente et cet emprisonnement sans raison valable. Il est peut être nourri et "logé", mais c'est plus qu'une torture de voir les jours défiler sans pouvoir rien faire d'autre que de rester au sol menotté dans l'attente d'un sauvetage ou d'une éventuelle étincelle d'espoir. Le volume se concentre uniquement sur la captivité de Christophe André et sur la façon dont il va réussir à s'extirper de cette situation (on a tout de même droit à un petit épilogue qui répond à quelques questions qu'on se pose après coup).

Le rythme de l'histoire est assez lent et laborieux puisqu'on suit le personnage être balloté de lieu en lieu, sans savoir ou il est est sans savoir ou il ira encore. On est au même niveau que Christophe pendant sa captivité puisque le lecteur ne sait strictement rien de plus que ce qu'il voit. Pour le coup c'est captivant et jusqu'au bout on se pose des questions, on réfléchi sur la façon dont il est possible de s'enfuir et on se demande comment les choses vont se produire finalement... C'est aussi intéressant de voir les pensées de Christophe dans ce moment déroutant, j'étais vraiment curieuse de savoir ce qu'un être humain pourrait penser et ressentir en ayant vécu réellement une telle situation.

Cette prise d'otage était assez particulière ! En fait je m'attendais à un kidnapping plutôt forcé, musclé et dangereux, j'avais une image vraiment sombre de ce que pouvait donner ce genre de situation. Du coup découvrir la prise d'otage de Christophe m'a plutôt étonnée ! Alors oui c'est dangereux et oui ça n'a vraiment pas dû être facile pour lui, mais concrètement ses geôliers se sont montrés plutôt "correct" avec lui. Il n'a pas été blessé, il était nourri, relâché de temps en temps pour se sentir mieux, ils lui offraient même des cigarettes ou un verre devant la télé quelques fois ! S'enfuir m'a donné un autre regard sur la prise d'otage / je pense que je serais d'ailleurs un peu plus concernée par ce type d'évènement à l'avenir.

DESSINS | Le style de dessin est assez simple. Je ne connaissais absolument pas Guy Delisle avant, de ce fait j'ai découvert son style graphique avec S'enfuir. Si au départ j'ai été assez étonnée de découvrir un style simple qui va à l’essentiel, j'ai appris à l'apprécier au fil de ma lecture. Je suis généralement friande des styles avec beaucoup de détails et un trait bien défini, ici je me suis retrouvée avec le parfait opposé : un style assez sommaire et ouvert. Malgré la simplicité du trait, tout est clairement retransmit : la condition et les pensées du héros, les différents lieux et ambiances... J'ai beaucoup aimé d'ailleurs l'utilisation des couleurs : majoritairement bleues/grises, avec uniquement des aplats sans dégradés. Les pages sont surtout de couleurs froides, ce qui renforce la situation dramatique. Le découpage quant à lui est classique (surtout des cases carrées ou en longueur) et peu dynamique, quasi statique même, mais comme l'histoire bouge très peu et que les lieux ne changent presque jamais, ça renforce aussi cette aspect d'attente propre à l'histoire. J'approuve donc le style de Mr. Delisle ! L'artiste sait parfaitement servir son propos avec des graphismes qui vont à l'essentiel, pas besoin de fioritures quand on traite un sujet de cette ampleur...

ÉDITION | S'enfuir est un gros pavé de 430 pages, le volume est donc assez conséquent ! Le format est un peu plus grand qu'un A5 avec une couverture cartonnée souple comprenant des rabats. Les pages sont de très bonne qualité et le tout est en couleur (avec en bonus à la fin un épilogue). Si la lecture a été agréable, je regrette une prise en main vraiment pas facile. Le volume étant épais, il est assez compliqué et fatiguant à tenir (et très peu transportable). Il est vrai que l'histoire ne serait pas pareille si elle avait été découpée en deux volumes (le scénario ne s'y prête pas vraiment), mais c'est assez dommage de perdre un petit peu de plaisir à cause du maintient du livre à la lecture... Le prix est également un point noir : presque 30€ ! Alors oui, l'édition est très sympa et le volume mérite ce prix, mais non tout le monde ne pourra pas débourser autant pour une BD (aussi bonne soit-elle). Le prix est clairement un frein pour le tout public / c'est bien dommage car le titre mériterait encore plus de reconnaissance ! Globalement je suis satisfaite de l'objet en lui-même, Dargaud a fait un bon boulot dessus !

S'enfuir, c'est un récit captivant et surtout intéressant car tiré de faits réels. C'est le genre d'histoire qu'on ne peux lire que d'une traite tellement le scénario est prenant. Personnellement j'ai été conquise, j'ai adoré suivre la situation déroutante qu'a vécu Christophe André et je ne peux que vous conseiller cet ouvrage ! Ce titre plaira davantage a un public plutôt adulte pour son thème d'actualité, mais il pourra également plaire à un public plus jeune cherchant une lecture réaliste. À découvrir donc !